Des années ont passées depuis cette enclave, cette faille du coma, ce « golfe d’ombre » (comme l’a écrit à peu près, je ne sais plus qui ni à quel propos). Des années ont passé. Je ne saurais dire combien si on me le demandait, là, tout de suite (peut-on dater un évenement qui est hors du temps ?). Des années me sont passées à travers, plutôt, m’arrachant les cheveux, me ployant, troublant ma vue. Je titube désormais. C’est tout ce temps qui m’est passé au travers. Ce gros temps.
J’ai toujours mes deux mains (...)
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handicap
Articles
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Après coma
23 février 2006, par JC Sekinger -
Le jargon
14 mai 2006, par JC SekingerJ’ai été victime du pouvoir médical. Je ne parle pas de ce jour où on m’a apporté une taie d’oreiller en guise de serviette de table parce qu’il ne restait rien de plus approchant, ni de la dizaine d’autres fâcheuses mésaventures de l’hospitalité hospitalière, je parle du jargon qu’on m’a déversé dessus quand, malade, je cherchais des explications. Le neurologue avait sans doute sur son bureau cette petite cervelle rose et élastique pour se « déstresser » et toute sa pensée pétrie de jargon médical. Or il se (...)
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Robert & Robert
1er juin 2006, par JC SekingerJ’ai partagé ma chambre, au Centre de Rééducation, pendant longtemps, avec deux hommes qui s’appelaient Robert. Nous étions au dernier étage de ce bâtiment, l’étage des patients atteints d’affections neurologiques. Il y avait là cet ancien psychanalyste qui, tassé dans son fauteuil roulant, lisait Lacan dans la pénombre de l’ascenseur, tournant le dos à la porte ; cette femme qui errait dans les couloirs et que je voyais quelquefois en ergothérapie : un jour, on lui montrait la photographie d’un fer à (...)
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Le tricycle
7 juillet 2006, par JC Sekingerhttp://www.americanartifacts.com/sm...J’ai acheté un tricycle. C’est cher. Il a un grand panier derrière et un panier profond devant. Du coup je suis allé faire des courses : Anne a fait une liste, dans l’ordre d’exploration du supermarché et je suis parti.
Deux heures plus tard, les jambes tremblantes et endolories, je suis rentré avec un énorme sac de courses.
Je suis vraiment dangereux sur la route mais je vais moins vite qu’un piéton, alors, automobilistes, si vous voyez zigzaguer, avec ampleur (...) -
Inhibition
30 août 2006, par JC SekingerC’est l’histoire d’un handicapé qui croit que son handicap est coupable de tous ses malheurs alors il le nie, il l’inhibe de toutes ses forces, il l’étouffe.
Mais il ignore que c’est cette négation même qui est la cause toutes ses souffrances : En niant son handicap, il se nie, en inhibant son handicap, il s’inhibe, en étouffant son handicap, il s’étouffe.
C’est homme, c’est mon frère. Tendez-lui la main, aidez-le (...) -
Handicapé comment ?
10 septembre 2006, par JC SekingerSur ma carte d’invalidité, il y a un pourcentage d’incapacité. Il a donc été établi sur des quantités... je ne sais pas lesquelles. 80% de je ne sais quoi. Sur 100 possibilités il ne m’en reste plus que vingt ? Remarque, l’étiquetage du handicap n’en est pas à une connerie près puisque sur cette carte il y a aussi une « durée de validité »... mais il y a autre chose : même certains valides (vous permettez ?) se disent handicapés : « Je n’ai plus accès au recalcul des pages de mon site, ça me handicape » ou (...)
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Corps plus étroit
27 septembre 2006, par JC SekingerUne de mes surprises, au Centre de rééducation où je suis né à ma vie de handicapé, c’est qu’à propos des gens non-handicapés, on disait « les valides » : Je n’avais jamais, durant ma vie d’avant l’hôpital, entendu ou imaginé qu’on puisse substantifier cette simple qualité, cette évidence commune et naturelle !
« Le » valide ? Après tout, on dit bien « le » handicapé... juste retour des choses.
En y réflechissant plus je me dis que le handicapé physique, dans le trou de son corps, se demandera : « pourquoi (...) -
Corps d’occasion
19 octobre 2006, par JC SekingerL’opération chirurgicale, à travers les muscles de ma nuque, a ouvert un passage dans mon crâne, par où a fui ma vie. Cette ouverture est toujours là (les chirurgiens n’ont pas remis les fragments d’os en place) : j’entends le jet de la douche tambouriner dessus comme la pluie sur un toit de tôle. On me l’avait dit « les muscles du cou sont assez forts pour maintenir la pression » dans la boîte. Ce qu’on ne m’avait pas dit c’est que le moindre battement, la plus faible pichenette, à cet endroit du cou se (...)
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Les machines qui font respirer
3 mars 2007, par JC SekingerLes machines m’ont fait respirer. Quand j’étais dans le coma. Ces machines gonflaient mes poumons et en aspiraient l’air. J’ai attendu, attendu dans une gare désaffectée, les yeux fermés. Les machines respiraient en moi.
Même si je vis aujourd’hui dans un train qui ne bouge pas et qu’il y a des housses sur les meubles de ma vie : c’est à certaines machines que je le dois, ces machines qui m’ont fait (...) -
Á mon ami Martial
14 mars 2007, par JC SekingerMon corps me permet d’exister. Mon corps seul ? Il faut, dessous, une terre pour le porter. Il faut, dessus, un air pour l’imprégner. Il faut aussi des fruits pour le nourrir, Du soleil pour les faire mûrir, Des branches pour porter les fruits, Des arbres pour porter les branches, Des graines pour porter les arbres, De la pluie pour les arroser, Des nuages pour porter la pluie, Des océans pour les fabriquer Et du vent pour les emporter. Il faut au corps des mondes entiers. Mon corps me permet (...)