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Corps d’occasion
15506e jour, par
L’opération chirurgicale, à travers les muscles de ma nuque, a ouvert un passage dans mon crâne, par où a fui ma vie. Cette ouverture est toujours là (les chirurgiens n’ont pas remis les fragments d’os en place) : j’entends le jet de la douche tambouriner dessus comme la pluie sur un toit de tôle. On me l’avait dit « les muscles du cou sont assez forts pour maintenir la pression » dans la boîte. Ce qu’on ne m’avait pas dit c’est que le moindre battement, la plus faible pichenette, à cet endroit du cou se transmettrait « à l’intérieur » et que je le sentirais jusqu’aux yeux...
Une fois les écarteurs enlevés, ma vie a cessé de fuir mais j’en avais perdu beaucoup.
Ce qui est resté s’est dilaté.
Je vis une deuxième vie.
Corps d’occasion.