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Sandragon

dimanche 19 avril 2009, 16419e jour de mer, par JC Sekinger

Il y a un an, à quelques jours près, je venais d’écrire un petit texte sur les couleurs :

La couleur semble captive

J’ai rassemblé plusieurs objets qui avaient comme seul point commun d’être de la même couleur : rouge. La couleur semble maintenant flotter sur cet ensemble d’objets : elle n’est d’aucun d’entre eux en particulier, s’étendant de la boîte au pot, au crayon, à la poudre. Comme un nuage rouge, aux limites incertaines. Ayant rassemblé ces choses si différentes entre elles mais de la même couleur, je vois que la couleur n’est attachée à aucun d’eux : la forme d’une chose, définie par son usage et son usure, lui est vraiment propre mais c’est bien souvent par une sorte de hasard que lui aura été appliquée telle ou telle couleur : l’association des couleurs aux objets usuels est, au pire, arbitraire ou, au mieux, vaguement symbolique ; le bleu d’un manche de fourchette ou le vert des lettres du mot pharmacie. De ces objets rigides et seuls, la couleur semble captive. Mais que des objets soient ensemble d’une couleur semblable ou qu’ils soient souples comme des tissus et la couleur s’en libère. Mais avant tout, une autre condition rend sa liberté et sa gloire aux couleurs : que les objets soient des êtres ! Le ciel, la ramure, le plumage, le fruit, les lèvres, les pétales… Ce qui s’accorde le mieux à la couleur, c’est l’être-vivant.

source

Depuis le début de cette année-là, j’étais très fortement empoigné par une couleur : le rouge. J’avais aidé un enfant à descendre dans mes mains, en janvier, dans beaucoup de sang, et sur un carrelage rouge. Mes jambes en ont tremblé tout le lendemain. « Notre petite vie est d’une petite brutalité rouge, chaude et simple. (jeudi 31 janvier 2008) » Quelques jours après, je m’étais demandé : « que peindre maintenant ? » Je n’imaginais rien d’autre qu’une grande tache rouge. Quand cette lave s’est agglomérée, après plusieurs semaines, j’ai entrevu des objets et je me suis assis au chevalet. Pour pas grand’ chose d’ailleurs.

Alors j’ai écrit.

Le rouge est bien la première des couleurs. D’elle coulent toutes les autres : le violet de la nuit et le bleu du ciel, l’orange des fruits et le jaune des fleurs. En elle, obscurité des gouffres et blancheur des sommets et, entre ciel et terre, ondulations du vert.

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