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Dites haut ce que vous ressentez
dimanche 24 août 2014, 18372e jour de mer, par
J’ai grandi inquiet, sous une menace imprécise et diffuse et l’impossibilité de dire mes sentiments. Alors ils se sont écrit sur mon front, en lignes mouvantes et plissées, enregistrements sismiques d’un tremblement constant.
Enfant, souvent et sur un ton un peu brutal, ma grand-mère m’ordonnait en désignant vaguement son propre front : « ne fais pas tes rides là ! ». J’ignorais de quelles rides il s’agissait mais je ne le demandais pas, les mots ne se formaient pas : Quelles rides pouvait-il y avoir sur le front d’un enfant ?
une trentaine d’années plus tard j’ai compris qu’il m’avait toujours été ordonné de balayer de la géographie de mon front ces chemins mille fois parcourus, ces seules paroles au front des guerres et de la boue, des blessures, des rêves et des pas.
Alors ne craignez rien, n’effacez rien, et avant que la parole ne soit coupée au pied, dites haut ce que vous ressentez.