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C’est lui qui vous inquiète ?

mardi 21 décembre 2010, 17030e jour de mer, par JC Sekinger

J’ai vu souvent l’inquiétude sur le visage des gens qui m’abordent sans me connaître.

On me dit souvent que les dureté et souffrance qui se voient sur mon visage, impressionnent et repoussent (Qui aura dès lors le courage de franchir ces barbelés ?) Ces rayures sont là depuis longtemps, elles sont les cicatrices de mon histoire, de ma solitude, de mon amertume.

Regardez de plus près, on doit bien voir aussi la joie et la douceur, l’étonnement, non ?

Il paraît, je l’ai entendu dire souvent, que lorsqu’on a franchi ces obstacles, on lit mes sentiments très facilement : j’ai le visage très mobile et expressif, d’une part, et je ne le maîtrise pas du tout d’autre part ! Ça doit être rassurant pour vous ça non ?

Peut-être alors est-ce mon handicap qui vous inquiète ? Il faut dire que je ne suis pas très discret avec ça. Excusez-moi. Sénèque a pourtant écrit un truc qui m’a impressionné et auquel je songe [1] quelque fois : il propose de considérer chaque souffrance et de se demander si elle est de notre fait ou non, s’il dépend de nous que nous cessions de souffrir ou non. Pour ce qui est de mon handicap, par exemple, je ne peux rien faire pour masser mon « grand trapèze » [2], ce muscle dont je souffre le plus, et je ne vais que rarement voir un kiné (ils me font plutôt jouer à la balle ou mettre les pieds au mur). Il faudrait que je rencontre encore d’autres kinés, que j’y croie, mais je n’ai plus la force : Cette souffrance ne dépend donc plus de moi, je fais avec, elle met de la dureté sur mon visage et vous repousse. Mince ! C’est ça ?

Est-ce mon étrangeté qui vous impressionne ? Voyons, ce peintre, dont les tableaux vous semblent peut-être mystérieux, qui dit des choses presque incompréhensibles, qui se souvient de noms ou de dates surgis de nulle-part, qui parle si naïvement de ses expériences impossibles, qui vous regarde je ne sais comment, qui parle tant d’amour, c’est lui qui vous inquiète ?


[1Rassurez-vous, je ne pense jamais vraiment

[2à moins de me contorsionner, et encore

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