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Une révélation

samedi 15 septembre 2012, 17664e jour de mer, par JC Sekinger

Avant que le soleil ne soit levé, une couverture sur les épaules, dans le halo tremblant de la lumière d’une bougie, je découvrais et je modelais ma pensée : sur une page vide je déroulais des mots tirés d’un encrier. Je songeais à la rencontre de la lumière du papier et de l’obscurité de l’encre, à leur union, au sacrifice de leur absoluité, condition première de l’apparition du sens, logophanie de l’écriture.

Ces lignes sont extraites d’une autobiographie de 2003, Deuxième Berceau : Jeune homme, j’avais décidé que je devais, puisque je voulais ardemment être compris, réapprendre à écrire, que je simplifie et clarifie mon écriture. La défricher pour la rendre déchiffrable. Dans cette intention − et dans une brocante − j’avais acheté un encrier. Il était en verre épais, avec un beau couvercle doré en laiton décoré d’une tresse. Avec une plume de fer, j’ai réappris à écrire et commencé de le faire :

L’encre est sombre.
En elle, tous les mots sont mêlés.
Si étroitement que l’encre est une nuit sans étoiles.
Le couvercle doré lui fait un soleil.
Le papier est un matin de neige où personne n’a marché
(tout le monde dort encore)
Blanche feuille de sommeil et de silence.
Entre les deux, une plume animée par un songe
(et perdue par un ange)
 
L’encre renonce à la nuit
et le papier renonce au jour
et entre eux deux : les détours d’un chemin
les volubiles des mots.
Ainsi, écrire est un renoncement.
 
Cependant la rencontre
d’un nuit enclose
et d’un matin sans trace
fait scintiller le sens.
Ainsi, écrire est une révélation

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