Les formes se révèleront

Nous écoutons quelqu’un parler. Il y a les mots et leur signification lexicale (« chair », « pluie », « œuvre »...) mais il y a aussi la position du locuteur (est-il assis, debout ?), le débit, la hauteur, le volume de sa voix (parle-t-il vite ? insiste-t-il sur certains mots ? sa voix est-elle aigüe ou grave ? forte ou faible ?), ses gestes (sa tête ? ses yeux ? ses mains ?)...

Ce que montre le locuteur peut être en contradiction avec les mots qu’il prononce : parle t-il de courage en se tordant les mains ou en bombant le torse ?

Si je précise tout cela c’est parce qu’il en va de même avec la peinture figurative : Nous regardons un tableau. Il y a les objets et leur équivalent verbal ("pomme", "nu", "montagne"...) mais il y a aussi, et d’abord, toutes les dimensions abstraites du tableau, les forces qui l’irriguent et le substantifient : est-ce un petit ou un grand tableau ? vertical ou horizontal ? rond ou carré ? ce dessin montre-t-il plutôt des droites ? des courbes ? est-il tracé rapidement ? lentement ? le feuil est-il mat ou brillant ? lisse ou rugueux ? etc.

Ces forces qui forment, informent le tableau, peuvent être masquées, niées, troublées, gâchées, si le peintre impose des formes : il lui faudra donc, dans ce qu’il voit, déceler les forces et ce sont elles qu’il mettra premièrement en œuvre, rivières souterraines, squelettes sous les corps. Peu à peu, ces forces s’agrègeront, élans matérialisés, et les formes se révèleront.