Aventures extraordinaires

18577 jour sur Terre.
Il est 12h40 en temps universel + 1h, à 44.862388 degrés au Nord et 0.579823 degrés à l’ouest du méridien dit de Greenwich [1], dans la partie nord de Bordeaux où je vis, le 17 mars 2015, quand je commence ce texte. En marchant tout à l’heure, j’ai soudain songé que je devais l’écrire.

18579e jour.
J’ai dormi en pointillés. Est-ce vraiment ce que je veux vous écrire ? Quand on est dans un corps, on risque de mal dormir. Et d’autres choses encore. Voilà au moins trois mois que je compte les jours écoulés depuis ma naissance. J’ajoute au résultat bien sûr, celui du jour en cours.

18580e soir.
Désormais, rien n’est plus urgent pour moi que de connaître et de comprendre le monde où je suis, comment toutes ces choses sont nommées et quels liens les unissent.

18812.
Deux-cent trente-deux jours ont passé semble-il. Il est 10h24 et nous sommes le samedi 7 novembre 2015. J’habite désormais le « Quartier st Michel », à Bordeaux toujours. Il fait 19°C aussi, les nuages sont épars et le soleil chauffe l’air, le vent souffle doucement du sud-est. Je reviens du Marché de la place Meynard et « des Capucins » où j’ai vécu toutes sortes d’aventures extraordinaires. Ce matin j’ai ouvert les yeux, les volets et dans le lit j’ai lu un peu de Lumière, couleurs et nature de mon cher Maurice Élie, pendant 25 minutes. J’ai noté des choses qu’il fallait chercher. J’ai pris une douche. J’ai lu un peu de La parole de Georges Gusdorf que je ne connaissais pas, 25 autres minutes. J’ai préparé un sac de tissu et je suis sorti de mon appartement. Dans la boîte à lettres il y avait deux livres —  dont Les règles typographiques en usage à l’Imprimerie Nationale. Dehors, air doux, ciel bleu, marché bavard et criard, coloré et odorant, frais et mouvant. J’ai songé que la parole servait quand même essentiellement la doxa et rarement, trop rarement, l’épistémè : d’avantage un langage qu’une parole au sens que lui donne G. Gusdorf. Comme à l’accoutumé, aventures extraordinaires, et si je ne craignais pas un peu l’oxymore et la contradiction, je dirais « comme à l’ordinaire ».